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vendredi 1 février 2019

INTERVIEW DE 
JACQUES-OLIVIER BOSCO (JOB)




BIBLIOGRAPHIE 
Et la mort se lèvera (2010)
Le cramé (2011)
Aimer et laisser mourir (2012)
Loupo (2013)
Quand les anges tombent (2014)
Brutale (2017)
Coupable (2018) 

 





Bonjour Jacques-Olivier, je suis ravie que tu aies accepté de te plier au jeu de l'interview pour mon blog. Un petit mot avant l'interrogatoire?


Bonjour Delphine et merci pour ton intérêt, mais pas seulement ! Lorsque j’écris, je vis les aventures de chacun des personnages, j’éprouve ses émotions, et j’avoue, j’y prends du plaisir et de l’exaltation, je peux être ivre, terrorisé ou enragé comme eux, ensuite il y a la construction du roman, et là, il s’agit d’une sorte de travail passionnant mais sérieux ( à mes yeux, cela ressemble beaucoup à la réalisation d’un film) mais qui, au final, et lorsque je me relis, doit à nouveau, et d’une autre manière, cette fois du côté lecteur, me faire ressentir des choses, me transporter, et si possible, dans un rythme particulier ( badass ou tendu) et ce ; du début à la fin. S’il y a des temps forts par moments, c’est encore mieux. Évidemment, je suis toujours satisfait, lorsque je livre le bouquin (après douze mille relectures), mais il y a quand même le doute. Il existe toutes sortes de littératures et toutes sortes de lecteurs, il est très difficile d’élargir le spectre, mais on peut quand même espérer que, dans un de ces spectres, bon nombre ont les mêmes goûts que soi, et lorsque des lectrices et lecteurs comme toi, Delphine (on y arrive, ouf  ), me disent avoir justement vécu ces moments forts, ou avoir été transporté par mon roman, et si, en plus, c’est du début à la fin alors là, je me salue et je clame ; mission accomplie ! Et donc, pour cela, pour ce rapport de lecteur à auteur, à travers le roman, encore mille fois, mille fois, merci Delphine.
  
Comment t’est venue ton envie d’écrire, un rêve d’enfant ?

Tout le monde peut écrire, et, d’ailleurs, beaucoup le font. Par contre, c’est vrai, avoir une reconnaissance, être édité, cela pourrait être un rêve d’enfant. Pour l’écriture, tout vient de ma grande sœur Valérie. Nous devions avoir entre huit et douze ans et elle nous mettait en scène, les quatre frères et sœurs, dans des petites bandes dessinées. Je l’ai tout de suite imitée, et par la suite, elle a écrit des nouvelles (de très belles nouvelles qui exprimaient de la solitude et de la mélancolie) et du coup, j’ai voulu faire pareil. Je me suite ensuite passionné pour le cinéma et j’ai écrit des scenarii, de fil en aiguille, je me suis mis au roman ( écrire des scenarii dans son coin c’est comme de préparer des gâteaux sans avoir de four pour le cuire). C’est là, que le désir d’être édité est né, en faisant lire des nouvelles et début de roman noir. Un auteur a bien voulu me répondre, au-delà de toutes mes attentes, il me disait que j’avais le talent et le niveau pour être édité et que «  je devais absolument continuer ». A l’époque, je servais dans des bars, bossait dans des cuisines, alors, tu imagines ? Qu’un réalisateur, auteur de ce talent me dise ça ! Évidemment, c’était rapporté avec beaucoup d’intelligence, il me faudrait travailler, et me corriger sans cesse, lire ce qui se fait, essayer de comprendre l’écriture et la dramaturgie, mettre du mien, de ma peau, mais aussi de mon imaginaire de lecteur potentiel, et même avec tout cela, que cela ne suffirait pas. Je ne serai peut-être jamais « repéré », il y aurait peut-être une seule chance sur douze mille, mais elle existait.

L’élément déclencheur ç’a été la passion, le plaisir et le besoin de torturer le papier, puis le clavier. C’est horrible et magnifique, exactement comme de tomber amoureux à sens unique pendant de très longues années, la souffrance et la frustration de tout musicien, peintre, sculpteur, écrivain, pilote, sportif, de cinéaste, d’acteur qui y croit, y rêve, mais n’y « arrive pas ». Il faut une sacrée foi et une sacrée boite de pansement, parce qu’on s’en prend des gamelles, des râteaux, et même des baffes, mais il avait suffi d’une seule personne, et d’une seule phrase pour rendre cela inébranlable.

Pour tout te dire, après de nombreux refus, j’imaginai être publié à ma retraite, lorsque j’aurai vraiment le temps de ne faire que ça, parce que j’ai toujours travaillé à côté ( pour de vrai, et encore maintenant), à 100 pour 100 et même plus (dans la restauration c’est du soixante heures par semaine) mais j’écrivais quand même, la nuit, l’après-midi, très tôt le matin. Et lorsque j’ai eu ma première réponse positive d’éditeur, chez Jigal, j’étais vraiment heureux, non pas d’être publié, mais de savoir que mon livre allait être lu, de savoir, enfin, si ce que j’écrivais allait marquer, plaire, emporter, de savoir si la personne qui m’avait encouragé avait eu raison.




Ta popularité a explosé avec Brutale, qu’est-ce qui t’as inspiré un personnage charismatique que Lise Lartéguy ?

Merci pour la popularité , mais c’est vrai que j’ai eu un public beaucoup plus large qu’avant car il s’agit, reconnaissons-le, de romans plus féminins que mes cinq premiers. Pour le personnage, il y avait deux choses qui m’intéressaient ; la jeunesse, entre vingt-cinq et trente ans, et donc la contemporanéité, la modernité de Lise, et par la même, mon envie d’exprimer du mal être et de la rage à travers cette génération, justement. Lise devait être moderne, énergique, énervée, bouffée de rage et de questions par rapport à elle-même, et à ses antécédents familiaux, mais aussi pétrie de complexité ; elle est violente, elle ne s’aime pas au sens entier, tout ça parce qu’elle est dans une permanente quête d’amour. On devine ensuite pourquoi, par la suite, Lise n’a jamais été aimée, et pour cause, elle frappait tout ce qui l’entourait, faisait le mal, mais bien avant, elle souffrait déjà. Elle est malade, c’est vrai, mais sa maladie ressemble à une sorte de fantasme réalisée, de rage assouvie, de mal être expurgé. Je pensais au côté catharsis de la lecture ( et de l’écriture), et me disais que cela faisait du bien d’écrire, et de lire, ces scènes.

Je ne vais pas spoiler Brutale et Coupable, mais j’espérais faire un personnage de flic inaccessible/incroyable - avec un profil de super-héroïne - mais maudite. En partant là-dedans, le plus difficile était de la rendre crédible, et donc, je me suis servi de mon vécu et du vécu de mes sœurs et de mes filles au niveau émotionnel et pour son comportement et sa manière de vivre et de s’exprimer, d’un ensemble de jeunes femmes que je fréquente par mon travail ou tout simplement mes amies. Quelle fille n’a pas rêvé de conduire une bécane à 300 à l’heure ? J’en connais qui sont fans de rock violent et pourtant féminines, qui sont chiantes et pourtant fragiles, de fait, à continuer d’écrire ( et observer) sur ces femmes, justement, entre trente et quarante, ans, je rajouterai ; qui sont pleines de paradoxes ! L’amitié entre filles ne ressemble en rien à celle entre garçons, leur façon d’aimer non plus, de plaisanter et de juger, ce genre de choses qui, au final, font de Lise un personnage à la fois « fantastique » et entier, subtil et compliqué, du moins je l’espère. Mais je pense avoir reçu assez de retour de lectrices, de leur enthousiasme, pour penser, du moins pour cette partie de lectrices « touchées », avoir atteint mon objectif.

Sans oublier, finalement, que c’est de la littérature, mais aussi, et surtout, du divertissement, l’idée c’est de donner du plaisir et de bousculer, tout en montrant le genre de chose dont je parle précédemment, il n’est pas question de se prendre au sérieux.




Tu écris du polar très noir as-tu envie de te lancer dans un autre genre littéraire ?

Des projets dont tu peux nous parler ?


C’est marrant cette question, parce que j’ai de plus en plus envie, en fait, d’écrire du polar noir, voire du roman noir. Mais, comme tous mes contemporains auteurs de thriller et polar, (je pense) je considère cet exercice, et passion, comme de faire du cinéma. Moi-même, en tant que spectateur je vais adorer des films dit d’auteurs, comme Patterson ou Only lovers de Jarmush, ou même Moonlight de Barry Jenkins, comme je vais me régaler avec Gardiens de la Galaxie, ou Baby Driver, et pareil pour l’écriture, j’ai besoin d’écrire des trucs noirs, cruels et violents où l’intrigue devient presque secondaire, mais je prends aussi beaucoup de plaisir à faire du pur thriller à rebondissement, à travailler des mois sur une intrigue, des dizaines de personnages et des interactions entre eux, dans le désir de faire un bon polar «  popcorn ».

Du coup, j’avoue que je m’éparpille un peu, je suis parti sur plusieurs projets en même temps, une histoire de mafia et de politique très ambitieux ( trop en fait) qui finira sûrement, au bout de cinq cent pages, en projet illusoire de scénario de série dans un tiroir tout ( très) près de ma poubelle de bureau, je suis aussi sur un thriller qui démarre au « cinquième de tour », une jeune mère de famille, des meurtres, ses enfants en danger, mais pas de super pouvoirs cette fois, uniquement des angoisses et des secrets, et pour finir, je suis assez heureux d’avoir presque terminé un roman très noir - de jeunes flics paumés qui enquêtent sur des crimes horribles - mais, à mes yeux qui parle de notre époque, des gens, de mon ressenti par rapport aux banlieues, aux quartiers, pour y avoir vécu il y a très longtemps, et pourtant, ce ressenti, peut être mélancolique, poétique et triste, me paraît intemporel, et même, diablement actuel.




As-tu des rituels d’écriture, Si oui, lesquels ?



Je ne peux écrire que le matin (bon, sauf lorsque je suis sur la fin d’un bouquin, là, c’est le stress, la peur de ne pas pouvoir le terminer), et dans le silence complet. En revanche, lorsque je réfléchis à des scènes, des chapitres, là, j’écoute énormément de musique, et de tous les styles. Pas mal de musiques de films aussi, j’avoue, mais je n’en ai pas beaucoup.




Quels sont tes auteurs de prédilection ?


Houlà, c’est comme le film ou le livre préféré, cela change tout le temps. En fait, je lis tellement de livres, des nouveautés, comme des anciennetés, dernièrement j’ai aussi bien lu Apocryphe de Manzor, que les nouvelles de Lovecraft, La Mort selon Turner de Willock (lui je l’adore, tous ses livres), aussi bien que Raymond Carver, Metro 2035, Rue Barbare de Goodis, Cédric Cham … Mais bon, il y en a quand même quelques-uns dont je suis certain, pour mes plaisirs d’enfance je dirais Maurice Leblanc, et A.C. Doyle ( j’ai tout lu, même ses romans historiques, que je trouve encore mieux que les Sherlock), pour la claque littéraire, Leonid Andreev et notamment le fabuleux extraordinaire mini roman « Sacha Jegoulov » José Corti Edition, j’étais fan de Boris Akounine pendant un moment ( je les relis de temps en temps) et bien sur, des auteurs de polars années cinquante ( mais pas tout) comme Simonin, Le Breton et Giovanni ( là, je les ai tous dévorés, lus et relus).




Quelle est la question que tu voudrais qu'on te pose et qui ne vient jamais ?



Je ne sais pas, je trouve déjà étrange que l’on pose des questions à un auteur, et même que l’on s’intéresse à lui. Si j’avais Dumas en face de moi, que lui dirai-je ? Ne préférerais-je pas rencontrer D’Artagnan ? 

Je crois en la valeur d’un texte, avant celle de l’auteur. (L’histoire nous a montré que nombres de chanteurs, d’auteurs ou autres n’étaient pas du niveau de leurs œuvres)





Un mot de la fin ?



Merci Delphine, désolé pour le retard de retour (et pour les fautes qui m’ont échappées), et pour le bavardage, je sais que plus l’interview est longue, et moins on a envie de la lire 

En tous cas, bises à tous ceux qui seront arrivés jusqu’ici 


Merci beaucoup Jacques-Olivier, on attend ton prochain roman avec une impatience fébrile :)



 

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